20 janvier, 2006

Session 4 : Jour 7, 8 et fin


Voilà la pochette du CD (tiré à 3 exemplaires) contenant la sélection du travail de la semaine. Après deux jours d'immersion, de réécoute, de cutting : au total 4 nouvelles chansons et 8 instrumentaux. Mais voici le fil des derniers jours.

Dimanche 17

Cela devait arriver : Alex, 15 ans, est désormais plus grand que moi. Drôle d'impression. Il passe le week-end avec nous. Sa douce présence fait du bien. Il a l'habitude, voilà dix ans qu’il assiste à des enregistrements ou qu’il nous accompagne quelques jours sur la route, dès que c'est possible.
Nous travaillons sur Rez-de-chaussée dont le titre me dérange et qui devient vite,faute de mieux pour l'instant, Sur le pont des Arts.
Choisir le titre d'une chanson n'est pas si simple, il faut se méfier notamment de vouloir trop jouer le recul dans un titre. Sur Le détroit par exemple, je me suis planté, entre autres, en intitulant Paris 1999, une ballade qui aurait dû s’appeler Je suis seul à Paris. J’avais voulu faire l’intéressant en jouant la proximité avec Paris 1919 de John Cale…
Il est toujours possible de se lâcher sur le titre d’un instrumental mais je suis désormais convaincu qu’il faut savoir rester simple pour le titre d’une chanson : un extrait du texte est une garantie minimum, le gimmick de la chanson restant l’assurance-vie. Et les chansons bien nommées, comme toutes les choses bien nommées, voyagent mieux d'une oreille à l'autre.

Si Les mots bleus s'était appelée par exemple Six heures au clocher de l'église, par je ne sais quelle volonté de l’auteur d’être plus intrigant, la chanson serait-elle aussi culte ?
Au palmarès des titres foirés et récents, il y a le dernier single de Souchon, un titre vraiment merdique : Et si en plus y’a personne… En dépit de son succès, je crois que cette chanson s’accrochera moins bien dans les mémoires que si elle s’était appelée Tant d’Angélus. Essayez de dire : T’as écouté Et si en plus y’a personne ?

Savoir titrer, c'est également crucial pour la gestion des archives. Nous reprenons en effet plus volontiers une note qui a été justement nommée et dont le titre a le pouvoir d’évoquer instantanément le moment initialement saisi. À côté de la pléthore de documents relatifs aux enregistrements officiels (les alternate takes & mix, les étapes de mastering etc…), en 15 ans de répétitions et de recherches, il s'est accumulé des centaines de K7, DAT, MD, et CD contenant des heures de documents sonores de Tanger. Des supports dont j’ai toujours archivé le contenu à chaud, en nommant la moindre improvisation et en la gratifiant ou non, de une à trois astérisques. Un travail de mémoire, parfois fastidieux, mais qui s’est vite révélé indispensable.

En fin de journée, Sur le pont des Arts est "tourné" dans une première version. Nous envisageons d’y adjoindre des chœurs.

Lundi 18

C’est le dernier jour. Nous commençons la journée par enregistrer les chœurs sur Le Pont des Arts. Il s’agit d’étoffer le refrain. Tous les trois derrière un micro, on commence par jouer différents personnages de la rue. Le texte de la chanson – basé par endroits sur mon vécu - liste en effet les "on dit" que s’échangent les concierges du quotidien sur le différent, l’étranger, dont la vie décalée alimente rumeurs et fantasmes. Mais le mieux n’est-il pas encore de vous dévoiler ce texte ? D’autant qu’il y est question de Château Gonzo…



En fin d’après-midi, Tof part au studio La Source pour s’assurer du mastering d’un titre réalisé avec Christophe et devant figurer sur un album autour de Dick Annegarn.

Nous restons au studio avec Did. Il prend sa guitare acoustique et deux heures après, une ballade est née : For free. Elle nous plonge dans un sourire tenace. À chaque fois le même bonheur d’assister à ce petit miracle qu’est l’apparition d’une chanson.

Retour au chantier du Pont des Arts qui nous donnent quelques difficultés. Nous ne sommes pas satisfaits de sa mise en son : trop typée "chanson française", pas assez décalée.
On reporte le mix au lendemain matin. Une nuit de recul ne peut pas faire de mal.

Mardi 19

À 10h30, Sur le pont des Arts est mixé.

Le compte à rebours fond à vue d’oeil, c'est la fin de cette quatrième session : il est temps de faire un survol de la moisson de la semaine afin d’établir une sélection.
À l’écoute de l’heure enregistrée avec Renaud au ténor, nous découvrons plusieurs filons et déjà, en leur état impures mais tout à fait attachantes telles que, plusieurs pépites très Tanger.

Les minidiscs sont pleins. Il est temps de déshabiter ce petit chalet souterrain où il faut le dire nous étions très biens. Dantès entre en scène (il n’a encore rien écouté de la semaine) : décâblage, démontage et mise en sommeil des instruments au sec.

Direction la cantine bonne et pas chère de Mains d’œuvres : Big up au cuistot, à Chloé, Gerry… THX à Gerry, Momo, Norbert, Jérôme…




Déjeuner avec Hervé, l’excellent batteur d'AS DRAGON, bientôt rejoint par le reste du groupe. Ils sont eux aussi en période de composition pour le prochain album. Toujours cool de les croiser. Malgré une envie partagée, nous n’avons jamais réussi à faire un bout de route ensemble et c’est bien dommage ! Le plateau AS Dragon / Tanger aurait pourtant de la gueule… Mais que font les promoteurs de ce pays ?



Ainsi s’achève, le journal de bord de cette session d’enregistrement. Alimenter simultanément Tanger et Château Gonzo pendant 8 jours n’a pas été de tout repos, mais je suis bien heureux que cela ait existé.